Inaptitude imputable à une maladie professionnelle ou un accident de service des fonctionnaires stagiaires : reclassement ou pas reclassement ?
Par principe, les fonctionnaires stagiaires reconnus inaptes ne peuvent pas prétendre à un reclassement notamment compte-tenu de leur situation probatoire et provisoire.
C’est en effet ce que considère le Conseil d’État qui précise que compte-tenu de leur situation probatoire et provisoire, les fonctionnaires stagiaires ne bénéficient pas d’un droit à être reclassés en cas d’inaptitude physique :
«Considérant que si, en vertu d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d'inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l'employeur de reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables, ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 7 octobre 1994 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés dans l'attente d'une titularisation pour toute inaptitude physique définitive ; que l'article 37 du décret du 9 mai 1995 prévoit seulement la possibilité d'un reclassement pour les élèves et les fonctionnaires stagiaires des services actifs de la police nationale lorsqu'ils ont été blessés dans l'exercice d'une mission de police ; qu'il suit de là qu'en annulant l'arrêté du préfet de police du 26 mai 2011 en raison de l'absence de tentative de reclassement sans rechercher si les conditions légales posées par le décret du 9 mai 1995 étaient réunies, la couradministrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit qui en justifie l'annulation.»
(CE, 17 février 2016, n° 381429)
Cette décision a été reprise par les Juges du fond par la suite (En ce sens notamment CAA Versailles, 16 mars 2017, n°15VE03852).
Ainsi, en principe, les fonctionnaires stagiaires ne peuvent pas prétendre à un droit à êtrereclassés en cas d’inaptitude physique et doivent donc en l’état être licenciés sur cefondement.
Or, par exception, les fonctionnaires stagiaires dont l’inaptitude est imputable au service suite à un accident de service ou une maladie professionnelle semblent pouvoir prétendre à un reclassement.
Effectivement, le Conseil d’État s’est prononcé explicitement sur ce cas et ce quelques jours seulement après la décision précédemment visée:
«Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le fonctionnaire territorial, y compris le fonctionnaire territorial stagiaire, qui, à la suite d'un accident de service ou d'une maladie contractée ou aggravée en service et en application du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, a bénéficié d'un congé de maladie et qui, au terme du délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes ; que, s'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation ; que l'administration a l'obligation de maintenir son plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite ; que, toutefois, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'en application des 3° ou 4° du même article 57 de la loi du 26 janvier 1984, lefonctionnaire qui en remplit les conditions soit placé en congé de longue maladie ou en congé de longue durée, le cas échéant à l'initiative de l'administration ; qu'il a alors droit, dans le premier cas, au maintien de son plein traitement pendant trois ans et, dans le second, au maintien de son plein traitement pendant cinq ans et à un demi-traitement pendant trois ans ; qu'en l'absence de reprise du service ou de reclassement dans les conditions mentionnées ci- dessus, il peut, s'il est dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de la maladie, être mis d'office à la retraite par anticipation, à l'issue du délai de trois ans en cas de congé de longue maladie ou de huit ans en cas de congé de longue durée ; qu'il conserve alors, en cas de congé de longue maladie, son plein traitement ou, en cas de congé de longue durée, son demi-traitement jusqu'à la mise à la retraite.»
(CE, 26 février 2016, n° 372419)
Relevons qu’à l’issue de cette décision, certains Juges du fond ont repris cette position (CAA de TOULOUSE, 23 janvier 2024, n°21TL23058) quand d’autres ont, quant à eux, décidé de ne pas faire de différence entre les situations de fonctionnaires stagiaires déclarés inaptes sans distinction de l’origine de cette inaptitude (CAA de NANTES, 4 avril 2025, n° 24NT01144).
Dans un souci de prudence, il semble plus sécurisant de suivre la procédure de reclassement pour les fonctionnaires stagiaires reconnus inaptes au titre d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle comme le préconise la Haute Juridiction avant de prononcer le licenciement pour inaptitude.